Illectronisme et illettrisme : ne pas confondre
Le confinement a plus que jamais mis en évidence les inégalités dans l’accès aux technologies de l’information et de la communication, et dans leur utilisation. Cette fracture numérique isole encore davantage des personnes déjà fragiles ou en difficulté, soit par manque d’équipement ou de connaissances en informatique, mais aussi par manque d’accès à Internet.
On appelle cette situation « l’illectronisme ».
L’illectronisme, qu’est-ce que c’est ? Quelle est son ampleur en France ? Qui est concerné ? Quelle différence avec l’illettrisme ? Corévi fait le point en ce début 2022.
L’illectronisme, qu’est-ce que c’est ?
Contraction des notions d’illettrisme et d’électronique, l’illectronisme est un terme utilisé pour nommer l’illettrisme numérique. C’est la difficulté à manier les outils numériques et à utiliser Internet dans la vie quotidienne.
Définition
L’illectronisme est un nom masculin.
Définition du Larousse : « État d’une personne qui ne maîtrise pas les compétences nécessaires à l’utilisation et à la création des ressources numériques. On distingue dans l’illectronisme les lacunes liées à l’utilisation des outils numériques (ordinateurs, téléphones intelligents, etc.) et celles liées à l’usage des contenus disponibles sur Internet (remplir un formulaire en ligne, acheter sur un site Web, etc.). »
Synonyme
Toujours selon le Larousse, le synonyme de l’illectronisme est l’illettrisme électronique.
Par extension
L’illectroniste désigne une personne qui rencontre des difficultés à l’utilisation d’Internet.
L’illectronisme en France
La France a atteint depuis 2000 une place satisfaisante parmi les pays développés en matière d’intégration des technologies d’information et de la communication. Toutefois, sa population n’a pas pu suivre l’accélération rapide du développement numérique.
L’écart se creuse entre la vitesse à laquelle les services de l’État se dématérialisent et celle à laquelle les citoyens se préparent pour en profiter.
Une préoccupation majeure
Savoir utiliser les ressources numériques courantes (Internet, traitement de texte, etc.) est devenu aussi indispensable que savoir lire, écrire, compter.
Ne pas avoir accès à Internet ou ne pas savoir utiliser les outils numériques représente un réel handicap. En particulier pour avoir accès aux services publics, effectuer des démarches administratives, rechercher un emploi ou un logement, etc.
Quelques chiffres
Le « tout numérique » est en train d’isoler une partie de la population. Il accroît la vulnérabilité des personnes déjà fragiles socialement : les personnes âgées, celles qui ne sont pas bien équipées, les catégories socioprofessionnelles les moins favorisées. Mais pas seulement.
D’après l’Insee (bulletin Insee Première, octobre 2019) :
- 15 % des personnes de 15 ans ou plus n’ont pas utilisé Internet au cours de l’année 2019;
- 38 % des usagers manquent d’au moins une compétence numérique de base;
- 2 % sont dépourvus de toute compétence.
Par conséquent, l’illectronisme, ou illettrisme électronique, concernerait 17 % de la population, soit 11 millions de personnes.
Un enjeu de politique publique
Les savoirs fondamentaux tels que lire, écrire, calculer ne sont plus suffisants aujourd’hui pour être autonome au quotidien. Il s’agit d’acquérir aussi les fondamentaux du numérique.
Accompagner durablement vers l’autonomie numérique les personnes les plus fragiles, qui cumulent plusieurs difficultés sociales, est une priorité.
Des disparités de compétences
Aujourd’hui, en France, près d’un adulte sur cinq n’utilise pas d’outil numérique ou abandonne en cas de difficulté (derniers chiffres connus datant de 2019).
Les compétences numériques en question
Utiliser Internet ne garantit pas de posséder les compétences numériques de base telles que :
- la recherche d’information (sur des produits ou services marchands ou administratifs) ;
- la communication (envoyer et recevoir des courriels) ;
- l’utilisation de logiciels (traitement de texte par exemple) ;
- la résolution de problèmes (accéder à son compte bancaire, copier des fichiers, etc).
Des compétences numériques insuffisantes
Comme indiqué ci-dessus, en 2019 :
- 38 % des usagers d’Internet manquent d’au moins une compétence numérique;
- 2 % n’en ont aucune.
Le profil des personnes les plus concernées par le manque de compétences numériques est le suivant : les personnes âgées, peu diplômées, au niveau de vie modeste, vivant seules ou en couple sans enfant, inactives ou vivant dans les DOM (hors Mayotte).
Mais l’âge joue davantage sur les compétences que sur l’équipement. Le niveau de vie est plus sélectif pour l’équipement que pour les compétences.
Des compétences divisées suivant l’âge, le diplôme et le type de ménage
Si l’accès à Internet et son usage se développent rapidement, il persiste de nombreuses inégalités dans la maîtrise des outils numériques, selon l’âge, le diplôme et la constitution du ménage.
L’âge
Les personnes de plus de 70 ans sont nombreuses dans cette situation d’illectronisme : 36 %.
De plus, les Français âgés de plus de 40 ans aujourd’hui n’ont pas bénéficié de formation aux usages du numérique lors de leur scolarité obligatoire. Ni d’initiation.
Le diplôme
Toujours selon l’Insee, l’âge n’est pourtant pas le facteur le plus sélectif.
Les adultes non diplômés sont encore plus nombreux (46 %) quel que soit leur âge.
Pour une grande partie de ces derniers, l’illettrisme est la principale cause des difficultés (voir ci-dessous).
La constitution du ménage
Les personnes vivant dans des ménages avec enfants déclarent moins de difficultés à maîtriser les usages de base du numérique.
En effet, l’apprentissage des parents se fait grâce à la transmission des compétences acquises par leurs enfants.
Des disparités territoriales d’équipement
Il existe de nombreuses disparités territoriales telles que les zones blanches ou mal couvertes en téléphonie mobile. Pour d’autres encore, l’offre Internet filaire est déficiente.
Malgré les engagements pris par le gouvernement, certaines régions rurales souffrent d’un certain « mépris territorial ». Les fournisseurs d’accès ne voient pas d’intérêt à couvrir des zones rurales qui ne leur fourniront pas suffisamment de retours sur investissement.
Pour cette seule raison, on écarte d’emblée du développement numérique des habitants déjà isolés géographiquement.
Comment lutter contre l’illectronisme ?
Quelle que soit sa forme, l’exclusion numérique constitue un handicap majeur dans une société toujours plus numérisée.
Le confinement tout récent et le développement du télétravail rendent encore plus urgente l’inclusion numérique du plus grand nombre. Pour certains, c’est une question de survie de leur activité.
La mission d’information gouvernementale
La mission d’information gouvernementale de « Lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique » a publié son Rapport n° 711, 2019-2020. M. Raymond VALL, sénateur du Gers, avance 45 propositions articulées autour de 7 axes d’une politique ambitieuse d’inclusion numérique.
Les 7 axes de proposition
- Évaluer plus finement l’exclusion numérique, en renouvelant régulièrement l’enquête de l’Insee et en exploitant l’expérience du confinement pour analyser les usages du numérique pendant cette période ;
- Passer d’une logique 100 % dématérialisation à une logique 100 % accessible ;
- Proclamer l’inclusion numérique comme priorité nationale et service d’intérêt économique général ;
- Repenser l’offre et l’architecture de la médiation numérique ;
- Combattre plus efficacement l’exclusion par le coût, angle mort de la stratégie nationale pour un numérique inclusif ;
- Construire une « éducation nationale 2.0 » qui doit être le fer de lance de la lutte contre l’illectronisme ;
- Rendre nécessaire un choc de qualification au numérique des salariés.
Un coût élevé mais indispensable
Les propositions de la mission d’information s’élèvent à un milliard d’euros pour une politique ambitieuse d’inclusion numérique.
Pour résumer
Parmi les difficultés rencontrées par l’illectroniste, nous pouvons citer :
- l’inégalité d’accès à Internet ;
- l’inégalité d’usage des services en ligne et de la capacité à s’approprier leurs contenus ;
- l’insuffisance de la maîtrise de l’usage des outils numériques usuels ;
- l’inégalité à bénéficier d’un accompagnement humain adapté pour aller vers l’autonomie.
Ne pas confondre illectronisme et illettrisme
Même si l’on donne comme synonyme d’illectronisme le terme d’illettrisme électronique, il ne faut pas confondre illectronisme et illettrisme.
Qu’est-ce que l’illettrisme
Selon Le Larousse, l’illettrisme est l’« état de ceux qui, ayant appris à lire et à écrire, en ont complètement perdu la pratique ».
On dit d’une personne qui souffre d’illettrisme qu’elle est illettrée.
Dès lors, cette personne ne possède pas les compétences de base pour être autonome dans les situations simples de la vie courante. Elle se trouve particulièrement exposée au risque d’exclusion sociale.
Histoire de l’illettrisme en France, en quelques mots
- C’est dans un rapport d’ATD Quart Monde de 1978 qu’apparaît pour la première fois le terme « illettrisme ». Les rapporteurs constatent que plusieurs personnes démunies ne maîtrisent pas ou peu la lecture et l’écriture
- En 1984, le rapport « Des illettrés en France » est établi à l’attention du Premier ministre. Il précise qu’une part importante de Français ayant été scolarisés ne maîtrisent plus les bases de la lecture, de l’écriture ou du calcul. Ce rapport fait l’effet à l’époque d’un véritable électrochoc.
- Suite à cet état des lieux, en octobre 1984, le Groupe permanent de lutte contre l’illettrisme (GPLI) voit le jour. Ce groupe interministériel a pour mission de recenser et de mettre en œuvre les politiques de lutte contre l’illettrisme.
- La loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions inscrit la lutte contre l’illettrisme comme priorité nationale et l’inscrit dans le Code du travail (Art L900 – 6 du Code du Travail).
- L’Agence Nationale de Lutte contre l’Illettrisme (ANLCI) est créée en 2000 en remplacement du GPLI.
- En 2002, le ministère de l’Éducation nationale et celui du Travail souhaitent mener une étude visant à mieux connaître la « répartition de la population adulte par niveaux de compétences en lecture ». Cette enquête, conduite par l’INSEE, interroge 10 400 ménages de France métropolitaine et individus âgés de 18 à 65 ans. On évalue différents domaines : le calcul, la lecture, l’écriture et la compréhension d’un texte simple. L’analyse de ces données évaluera à 9 % la part des personnes âgées de 18 à 65 ans en situation d’illettrisme. Il s’agit individus résidant en France et scolarisés en France métropolitaine.
L’illettrisme en France aujourd’hui
Aujourd’hui, l’illettrisme concerne 7 % de la population adulte (âgée de 18 à 65 ans) ayant été scolarisée en France, soit près de 5 millions de personnes.
De plus, l’illettrisme prend souvent racine dès l’enfance, et même dès la petite enfance. Aussi faut-il tenter de le prévenir le plus possible.
La lutte contre l’illettrisme
Depuis 2004, sous l’impulsion de l’ANLCI, la lutte contre l’illettrisme a connu de profonds changements.
Les journées nationales d’action contre l’illettrisme sont organisées par l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI), dans le prolongement de la Grande cause nationale attribuée en 2013 à la lutte contre l’illettrisme.
Sources :
Insee
Institut CSA, Livre blanc « Contre l’illectronisme », Syndicat de la presse sociale, juin 2019.
Mission d’information « Lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique ».
Agence nationale de lutte contre l’illettrisme.
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